Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LA DOMINATION

Si puérile que sa crainte à lui-même semblât, il ne pouvait ôter de son cœur l’angoisse qu’il avait eue. Il ne s’était jamais représenté les traits de son amie en profil sur un autre visage, et maintenant l’image était si vive et si perfide, et s’exagérait si âprement, qu’Antoine songeait : « C’est l’évidence. André Charmes ou un autre, qu’importe ? Voici son compagnon. C’est à ce printemps que va son âme… »

Et, à la pensée que la vie d’Élisabeth n’était point close, qu’il y avait pour elle un long avenir, Antoine sentait son cœur se resserrer de dégoût et de douleur. Que pouvait-il contre ce qui dort d’impur dans le sang et dans le rêve des femmes ? contre leur futur désir ? Si lasses qu’elles semblent, chaque fois qu’elles aiment elles renaissent. Le long de la vie elles aiment.

« Elle aimera, songe Antoine Arnault, avec ces grâces douces, cet orgueil, ces élans,