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LA DOMINATION

limités, et l’attente affreuse de l’heure où il faudra que l’on pense : « Je n’ai plus toute ma royauté. »

Au moment de minuit, quand la tiède maison dormait, et que, selon son habitude, Antoine s’accoudait à la fenêtre, et dans la libre nuit contemplait la lune qui voyage, déjà il ne disait plus à l’univers assoupi, comme il faisait à vingt ans : « Levez-vous, Aurore désirée ! » L’aurore, les lendemains, il n’y pouvait songer. Il pleurait. Sa vanité le faisait souffrir comme des os rompus qui dans la mollesse de la chair pénètrent.

Lassé de la gloire, lassé de l’orgueil, il méditait sur l’amour ; les mains jointes, soumis comme devant un dieu, il songeait que moins encore que le soleil et la mort l’amour ne peut se regarder fixement. Il est la splendeur éternelle. On ne peut l’exprimer ; c’est le miracle qui bouge. Des humbles minutes du jour il fait d’éclatantes