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LA DOMINATION

Les plus sots étaient avec lui familiers, et les autres trop timides. Il y avait les écrivains de quarante ans, plus vaniteux de leur métier, de leur situation, de leur futile et adroit labeur que le grand homme ne l’était de son génie. Ceux-là parlaient de la poésie, du roman ou du théâtre, avec le ton soucieux et l’assurance de personnes chargées de la conduite définitive d’un genre où elles pensent exceller.

Antoine Arnault les méprisait, fumait ses cigarettes à l’écart de ce groupe, et ne se rapprochait du grand homme que quand il le voyait solitaire. Alors, assis auprès de lui, timide et audacieux comme un enfant qui distrait un roi, il l’interrogeait à sa préférence, et la dévotion que lui inspirait ce front lumineux se mêlait de rire et d’impiété quand le jeune homme se sentait forcé d’élever la voix pour satisfaire l’ouïe affaiblie du vieillard.