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LA DOMINATION

plus d’un mois. Après le dîner, ce soir-là, comme tout le petit groupe était assis devant la maison, près des pelouses que l’ombre envahissait, Antoine Arnault annonça timidement qu’il repartait pour Paris. Il demanda à son hôte la permission de prendre congé de lui le lendemain ; il le remerciait, avec gravité et embarras, du bonheur qu’il avait eu à partager son existence. Et, en effet, il goûtait en ce moment, avec une précieuse tristesse, la saveur de cet instant humain, la forme de cet homme que les honneurs des villes avaient rendu insigne et glorieux, et qui, dans la fraîche énigme de la nuit des jardins, n’avait de soutien que lui-même et que les tendres filles appuyées contre son cœur. Qu’était-il dans la nuit grise et scintillante ? un être chétif et diminué qui va se mêler à la mort. Corinne, au travers de l’ombre qui altérait les voix, qui leur donnait un accent falot et déprimé lui deman-