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LA DOMINATION

regards sur l’ombre, sur les étoiles, comme faisait Antoine Arnault. Elle aspirait dans son cœur la nuit déserte, où se mettent à vivre mille petites âmes froides qui sont hostiles à l’homme : l’âme du peuplier et du saule humide ; l’âme de la grenouille, de la lentille d’eau et de l’émouchet assoupi…

Elle fit un mouvement avec ses deux mains, ses deux bras tièdement parfumés, et Antoine Arnault l’observant, s’aperçut qu’elle pleurait. Elle pleura d’abord lentement, puis avec une lâche et douloureuse violence, comme un orage éclate, comme un cœur crève de poésie…

Elle avait saisi le bras du jeune homme et elle pleurait sur sa main ; elle le tenait comme quelqu’un qui se noie retient la rive, elle le serrait d’une étreinte dont la force par petits coups croissait.

Il était plein de pitié, de douceur. Il