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LA DOMINATION

» Oui, songeait-il, je vais te quitter encore, je vais visiter d’autres lieux, que j’ai aimés, que j’aimerai ; mais, étranger au bord des eaux douces d’Asie où passent en barques aiguës des jeunes femmes voilées, étranger sur les douces collines de Fiesole, avec quelle ardeur ne retrouvais-je pas mon pays ! avec quelle impatience ne lui criais-je pas, dès avant les frontières : Viens, accours ; j’accours, ô ma terre ! ton soleil m’enivre, et tes brouillards, tes buées ne me font pas peur. Tu n’es pas perfide : tes aulnes frais, tes aubépiniers aux branches étendues et les hautes mauves de tes vergers, voilà mon naturel été. Désaltère-moi, berce-moi, vois comme les roses de Pise ont mis de brûlures sur mon cœur. »

Cependant, la jeune compagne d’Antoine, inattentive au visage de son ami, retenait autour d’elle un manteau de soie gonflé que le vent de la course lui arrachait vivement,