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LA DOMINATION

Le matin, il lui adressait des louanges, des flatteries. Il lui disait :

— Tu es robuste et marine, ruisselante, dorée, salutaire comme le poisson divin que l’Ange donna au jeune Tobie !

Mais le soir, la ville qu’il aimait se renversait sur son cœur, il en portait toutes les pierres avec un étouffant malaise.

Désolé, n’ayant que faire de sa compagne, il errait. Il appelait l’ombre de Spinoza. Il eût voulu pouvoir entrer, la nuit, comme un ami favorisé, dans le profond musée, et sangloter, âme amoureuse, sur les mains mortes de Rembrandt.

L’énervante jeune femme, devant les Pierre de Hogue, détaillait :

— Ah ! voyez, s’écriait-elle, la petite bassinoire de cuivre, ces deux oreillers sur le lit ! le chat est dans un carré de soleil ; la petite carafe fraîchit sur la fenêtre…

Si fatigué d’elle, Antoine se réjouit de la