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bittô


— Ah ! Bittô, quel désir mène tes pieds distraits
Aux dangereux sentiers de la campagne ardente ?
D’invisibles Erôs habitent les forêts
Et des poisons subtils montent du cœur des plantes :

Retourne te mêler aux travaux du matin,
Car l’heure de midi promptement s’achemine,
Ou bien va regarder dans ton petit jardin
Si la nuit a mûri les vertes aubergines…

Mais, rieuse et nouant ses deux mains à son cou.
Bittô n’écoute pas les prudentes paroles ;
Le vent joueur s’enroule autour de ses genoux
Et fait un bruit soyeux comme un ruban qui vole ;

Le baume végétal qui flotte dans l’air bleu
Enduit d’un miel léger son âme complaisante :
Elle vient, au travers des épis onduleux,
S’asseoir près d’un étang où rêve l’eau luisante.