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LA NATURE ET L’HOMME


Parfois dans la douceur auguste de ta paix
Une branche de ronce ou de mûrier rompait
Quand nous avions beaucoup parcouru les ravines :
On ne se faisait pas de mal à tes épines,
On pressait contre soi la haie et le buisson
Pour détacher la feuille où le colimaçon
Avait posé sa ronde et luisante coquille.
On cueillait tes pavots, tes bleuets, tes jonquilles,
On croyait que ton ciel et que ton mois de mai
Avait un cœur soigneux et chaud qui nous aimait,
Et que ton âme simple et bonne était encline
À fleurir et verdir les petites collines ;
On vivait confiant et serré contre toi
Comme les nids qui sont au soleil sous les toits…


— Et puis, un jour, j’ai vu comment allait le monde,
J’ai vu que votre tâche était d’être féconde,
Que vous étiez sans cœur, sans amour, sans pitié ;
J’ai voulu détourner de vous mon amitié