Page:Noailles - Le Visage émerveillé, 1904.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je suis seule. Il est onze heures. Tout dort dans le couvent.

J’ouvre ma fenêtre pour rêver. Nuit d’automne si aérée ! Mille petites sources d’air bondissent dans l’ombre agitée, mille vents légers soufflent, toutes les feuilles remuent. On respire bien cet air romanesque, noir et limpide.

Je pense. Pourquoi Julien m’aime-t-il ? Parce que mon âme a plus de manières et de mouvements qu’un lis du matin sous le vent bleu, parce que je suis forte et faible et toute mêlée ; parce que, quand Julien dit : « Je sais à quoi vous pensez », je réponds : « Oh ! non, ce n’est plus cela, c’est déjà autre chose », et parce que ma voix, la nuit, est mystérieuse comme les étoiles de la nuit…