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UN JARDIN AU PRINTEMPS


Ah ! que l’étendue est féconde !
Que tout est mol et cotonneux
Chaque bourgeon est comme un monde
De duvets, de gommes, de nœuds.

Sur l’eau deux cygnes se poursuivent
Et leurs quatre ailes en émoi
Mêlent soudain leurs âmes vives
Qu’exalte le plus doux des mois.

Tout est miroitant, tout est moite,
Les cocons des bosquets futurs
Sont pleins de suc, de franges, d’ouate.
Flocons de garance et d’azur !

Ô sève rose ! ô sève bleue !
Perles d’amour, miel infini,
Sucre qui fait de lieue en lieue
Luire le globe rajeuni,

Lait bouillonnant au bord des branches,
Sang de cristal, mauve liqueur,
L’urne immense qui vous épanche
N’est pas plus vaste que mon cœur.

Comme la feuille naît sur l’arbre
L’arbre croît sur mon cœur profond :
Je suis l’onde, le sol, le marbre
Qui porte l’azur et le mont !