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ADORATION


Se peut-il que j’évoque avec des cris vermeils
Autant que des arbouses,
La splendeur des matins, la chaleur des soleils,
La gaîté des pelouses ?

Tant de rêve, d’amour, de désir, tant d’élans,
C’est un si grand martyre ;
Hélas ! mourir un soir, le cœur encor brûlant !
Sans avoir pu tout dire !

Mais peut-être que l’être, allégé des mots vains,
Dans la mort solitaire
Peut vous louer avec des silences divins,
Ô beauté de la terre !

Ô pouvoir vous louer avec des chênes verts,
Des parfums de corolle,
Des regards azurés et des gestes ouverts,
Comme un oiseau qui vole !

Ô vous louer avec l’or liquide et le sang
Du soleil sur la cime,
Et le rire enflammé d’une âme qui descend
Dans le Hadès sublime…