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DON JUAN DE MARAÑA


Ah ! quand j’ai vu, don Juan, mon amour, monseigneur,
La main de ce guerrier frapper d’un geste atroce
Ton visage, chargé de crimes, mais d’honneur,
Et beau comme la rose au parc de Saragosse,

J’ai senti que ma vie ardente bondissait,
Que nul n’a de pouvoir sur celui qui dans l’ombre,
Jeune, charmant, cruel, recueillait, entassait
Les aveux enivrés des épouses sans nombre,

Et le regard voilé d’angoisse et de pudeur,
N’osant pas respirer sans avoir ta vengeance,
Je n’ai levé les yeux qu’en voyant ta fureur
Punir d’un coup mortel un homme qui t’offense.

– Mais depuis cet instant, je porte sur mon cœur
Comme un triste, orgueilleux et sensuel cilice
L’âpre affront que l’on fit à votre doux honneur,
Don Juan de Maraña, ô le plus beau complice…