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LES EAUX DE DAMAS

Les bonds étincelants, pareils aux jeunes branches
Du cerisier de mai fleuri de perles blanches !
Petits sorbets fondant, tressaillant, ondulant
Autour des palmiers chauds et du dôme brûlant,
Qui répandez, jetant au vent vos tarlatanes,
La fraîcheur du melon et des poires crassanes,
La fraîcheur du bambou, de la natte d’osier,
Du pamplemousse empli d’un parfum de rosier,
Eau qui courez, servez, comme une jeune esclave
Qui monte, qui descend, qui parfume et qui lave !
Fraîche Folie avec tous ses grelots d’argent !
Ruisseaux qu’on voit toujours s’irritant et bougeant,
Nouant et dénouant vos petites ceintures,
Vous froissant aux murs blancs, vous piquant aux verdures
– Plus frais que le platane et les cèdres foncés,
Quelle ombre vous donnez, nuages renversés,
Flots nombreux et serrés comme des hirondelles
Qui se groupent, et font de l’ombre avec leurs ailes !…
Ô Beauté d’un pays dont les bras sont tintants
De ces bracelets d’eau, de ces colliers chantants,
Vous que j’eusse si bien contre mon cœur tenue,
Que j’eusse, d’une ardeur avant nous inconnue,
Comblée avidement de soupirs et d’amour,
Pourquoi ne dois-je pas vous rencontrer un jour ?
J’aurais, pour apaiser tant d’amour et de fièvres,
Goûté les ruisseaux clairs qui coulent de vos lèvres,
J’aurais jeté, cherchant la fraîcheur du tombeau,
Mon cœur sous vos filets, sous vos résilles d’eau ;
J’aurais vu fuir cette eau qui court comme des billes,