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ÉTRANGER QUI VIENDRAS…

Cette noble musique, en grande véhémence,
Tout le long de ma vie m’aida.
Donne-lui des regrets, puis goûte le silence
De la rêveuse véranda.

Tu verras, elle semble une barque amarrée
Entre la demeure et le lac.
Je gisais là, enfant par l’azur pressurée,
Comme au creux d’un dormant hamac.

Un divan turc, chargé de coussins lourds et rêches,
Me portait, et m’offrait aux cieux.
L’infini se prenait, miraculeuse pêche,
Dans la résille de mes yeux.

Et puis, quand la rosée, éparse et ronde, perle
Ainsi qu’un cristallin semis,
Parcours le vieux balcon où, comme un jeune merle
Je marchais, volant à demi !

Tâche de voir aussi, bien qu’elle soit changée
De mobilier et de couleur,
La chambre où, me sentant par la nuit protégée,
Je dormais auprès de ma sœur.