L’univers qui prenait sa force dans tes yeux
Luit comme une aube terne en des salles d’hospice ;
Une immense araignée arrondit jusqu’aux cieux
La toile ténébreuse et moite qu’elle tisse.
Pendant que tu languis et souffres, le passé
Revient sur le désert de ta vie et s’étale ;
Et le souvenir choît sur ton être oppressé
Comme un poids suffocant de suaves pétales.
Et tu gis là, ayant renoncé tout instinct ;
La faim, la soif n’avaient d’adroite vigilance
Que pour nourrir la joie et l’élan du matin :
De tout soin sans espoir une âme se dispense.
Tu ne peux pas savoir comment cela s’est fait
Ce brusque éloignement du bonheur ! Ton scandale
Est que l’esprit humain succombe sous ce faix,
Et ne puisse asservir sa détresse animale.
Rien ne consolera ton grand étonnement,
Sache-le ! La raison ne sert de rien pour vivre,
Tout ce qu’elle propose à l’âme trompe et ment.
Je ne peux rien promettre à ton grave tourment
Que la divine loi des recommencements :
Sois sage, afin qu’un jour tu redeviennes ivre !…