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PAROLES PANS LA NUIT


Le soir est un lac pâle ; un floconneux nuage,
Tendre comme un œillet, fleurit le bleu du ciel.
C’est l’heure inexprimable où le bonheur voyage,
Invisible, certain, obstiné, sensuel.
Il n’est de ciel vivant qu’alentour des visages :
Aimons. Laisse mon front rêver sur tes genoux,
Bientôt ces soirs si beaux ne seront plus pour nous
L’on n’y pense jamais, mais la jeunesse passe,
Et puis le temps aussi, et c’est enfin la mort.
Reste, ne bouge pas. Que rien ne se défasse
De tes yeux sur les miens, de tes doigts que je mords
De tout ce qui nous fait si serrés dans l’espace,
Allégés de souhaits, de crainte et de remords,
Et conformes, enfin, aux éternelles choses
Où tout penche, s’apaise et humblement repose.
Il n’est que de mourir pour échapper au temps,
Et je suis morte en toi. À peine si j’entends,