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LE CHANT DE PRAXO


Jadis le brasillant éther des matinées
Me faisait défaillir d’un bondissant amour,
J’ai vraiment retenu dans ma bouche étonnée
La saveur bleuâtre du jour !

Je souffrais cependant. Le chuchotant espace
Ne me répondait pas quand il m’interpellait,
Et mon cœur ressemblait à ces chevreaux voraces
Qui convoitent en vain les raisins violets.

Comment t’ai-je irrité ? J’entends bien ta colère,
Quel fut mon tort ? Ô toi qui donnes le plaisir,
Sans doute as-tu le droit, si j’ai pu te déplaire.
De reprendre la joie et de m’en dessaisir.

Que crains-tu ? Entends-moi, je ne suis pas changeante,
J’ai gardé sans ennui la maison, quand mes sœurs
S’en furent par la route aux nombreuses odeurs
Saluer, loin d’ici, Pindare d’Agrigente.

S’il me faut te quitter, cher faune, je mourrai.
L’univers moite et bleu qui fut mon clair domaine
M’est moins apparenté que la chaleur humaine
Où s’apaisent mes vœux et mon songe effaré.