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LA MORT DE JAURÈS

II



L’aride pauvreté de l’âme est si profonde
Qu’elle a peur de l’esprit qui espère et qui fonde.
Elle craint celui-là qui, lucide et serein,
Populaire et secret comme sont les apôtres,
N’ayant plus pour désir que le bonheur des autres,
Contemple l’horizon, prophétique marin,
Voit la changeante nue où la brume se presse.
Et, fixant l’ouragan de ses yeux de veilleur,
Dit, raisonnable et doux : « Demain sera meilleur. »
— Ô Bonté ! Se peut-il que vos grandes tendresses,
Que vos grandes lueurs, vos révélations,
Ce don fait aux humains et fait aux nations
Inspirent la colère à des âmes confuses ?
Faut-il que l’avenir soit la part qu’on refuse
Et l’archange effrayant dont on craigne les pas ?
— Grand esprit, abattu la veille des combats,
C’est pour votre bonté qu’on ne vous aimait pas...