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ô mon ami, sois mon tombeau


Je sais ce qu’un soir lisse et pur
A bu de plaisirs et de peines !
Les corbeaux flottent sur l’azur
Comme un mol feuillage d’ébène.

Partout quel opulent loisir,
Quelle orgueilleuse confiance
Qui joint les appels du désir
Aux sécurités du silence !

Les oiseaux, dans le doux embrun
De l’éther rose et des ramées,
Sont légers comme des parfums
Et glissent comme des fumées ;

On entend leurs limpides voix
Incruster de cris et de rires
Le ciel qui passe sur les bois
Comme un lent et pompeux navire.

— Mais je sais bien que vous mourrez,
Et que moi, si riche d’envie,
Je dormirai, le cœur serré,
Loin de la dure et sainte vie ;