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la musique et la nuit


Complot pour que tout cœur rejette son cilice,
Pour qu’il ose affronter le dangereux bonheur,
Car le torrent des sons et la nuit protectrice
Incitent à la vie avec une âpre ardeur :

Hélas ! tout est amour ou cendres ; la nature
Par l’éternel retour et le long devenir
Ne peut qu’éterniser la puissante torture
Qui meut dans l’infini la mort et le désir.

Chaque humain, à son tour, servira de pâture…

Et l’âme, fourvoyée entre les grands instincts,
Répand sur leur fureur son anxiété rêveuse,
Et, toujours innocente épouse du Destin,
Accompagne en pleurant la bataille amoureuse.

— Hélas ! âme héroïque, oubliez-vous encor
Que les parfums, les ciels, le verbe, les musiques
Sont ligués contre vous, et que les faibles corps
Sont la barque où périt votre grandeur tragique ?

— Montez, âme orgueilleuse, élevez-vous toujours,
Allez, allez rêver sur les hauts promontoires