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dans l’azur antique


J’errais dans les villas, où l’air est imprégné
Du solennel silence où rêve Polymnie :
Je voyais refleurir les temps que remanie
La vie ingénieuse, incessante, infinie ;
Et, comme un messager antique et printanier,
De frais ruisseaux couraient sous les mandariniers.

Dans un jardin romain, un vieux masque de pierre
M’attirait : à travers ses lèvres, ses paupières
On voyait fuir, jaillir l’azur torrentiel ;
Et ce masque semblait, avec la voix du ciel,
Héler l’amour, l’espoir, les avenirs farouches.
Une même clameur s’élançait de ma bouche,
Et, pleine de détresse et de félicité,
Je m’en allais, les bras jetés vers la beauté !…

— J’ai vu les lieux sacrés et sanglants de l’Histoire,
Les Forums écroulés sous le poids clair des cieux,
La nostalgique paix des Arches des Victoires
Où l’azur fait rouler son char silencieux.

J’ai vu ces grands jardins où le palmier qui rêve,
Élancé dans l’éther et tordu de plaisir,
Semble un ardent serpent qui veut tendre vers Ève
Le fruit délicieux du douloureux désir.