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LES RIVES ROMANESQUES


Soir paresseux des lacs, douceur lente des rames,
Qui, sur l’eau susceptible, élancez des frissons,
Romanesque blancheur des terrasses, chansons
Que des nomades font retentir, où se pâme
Le vocable éternel du triste amour, quelle âme
Tromperez-vous ce soir par votre déraison ?

L’absorbante chaleur voile les monts d’albâtre,
Un généreux feuillage abrite les chemins,
Les hameaux ont l’odeur du laitage et de l’âtre ;
Et les montagnes sont, dans l’espace bleuâtre,
Hautes et torturées comme un courage humain.

Au loin les voiliers las ont l’air de tourterelles,
Qui, dans ce paradis liquide et sommeillant,
Renonçant à l’éther, laissent flotter leurs ailes
Et gisent, transpercés par le flot scintillant.