Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/291

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Rien, je ne saurai rien de l’énigme du monde !
Je m’y suis insérée avec autant d’amour
Que l’arbre dans le roc, que la rive dans l’onde,
Que le dard du soleil dans la pulpe du jour.

Mais je ne saurai rien ; j’interroge, et j’écoute
Mon rêve qui répond à mon âme ; et j’entends
La foule des secrets, des désirs et du doute
Agir en moi depuis la naissance du temps…

Parfois, dans un sursaut de connaissance épique,
J’enveloppe l’espace et ses sombres lueurs,
Depuis la lune morte au sein des cieux mystiques,
Jusqu’aux chats d’Orient, sanglotant dans les fleurs.

Mais je ne saurai rien de ma tâche éphémère !
— Insondable Univers que j’ai cru posséder,
Je n’interromprai pas ma pensive prière
Vers ton muet orgueil, qui ne peut pas céder.

— Beau soir, tout envolé de parfums et de brises,
Remuante ténèbre, agile et fraîche ardeur,
C’est en vain que ma voix vous suit et vous attise,
Comme la flûte grecque accompagne un danseur !