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Page:Noailles - Les Vivants et les Morts, 1913.djvu/37

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JE ME DÉFENDS DE TOI…


Je me défends de toi chaque fois que je veille,
J’interdis à mon vif regard, à mon oreille,
De visiter avec leur tumulte empressé
Ce cœur désordonné où tes yeux sont fixés.
J’erre hors de moi-même en négligeant la place
Où ton clair souvenir m’exalte et me terrasse.
Je refuse à ma vie un baume essentiel.
Je peux, pendant le jour, ne pas goûter au miel
Que ton rire et ta voix ont laissé dans mon âme,
Où la plaintive faim brusquement me réclame…
— Mais la nuit je n’ai pas de force contre toi,
Mon sommeil est ouvert, sans portes et sans toit.
Tu m’envahis ainsi que le vent prend la plaine.
Tu viens par mon regard, ma bouche, mon haleine
Par tout l’intérieur et par tout le dehors.
Tu entres sans débats dans mon esprit qui dort.