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NOUS N’AVIONS PLUS BESOIN DE PARLER


Nous n’avions plus besoin de parler, j’écoutais
Le rêve sillonner votre pensif visage ;
Vous étiez mon départ, mes haltes, mes voyages,
Et tout ce que l’esprit conçoit quand il se tait.

L’emmêlement des blés courbés, des ronciers même,
N’était pas plus serré ni plus inextricable
Que notre cœur uni, qui, comme le doux sable
Joignant le grain au grain, ne semble que lui-même.

— Je me souviens surtout de ces soirs de Savoie
Où nos regards, pareils à ces vases poreux,
À ces alcarazas qu’un halo d’onde noie,
Scintillaient de plaisir, et se livraient entre eux
L’ineffable secret du rêve et de la joie.