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  AU PAYS DE ROUSSEAU



Le lac, plus lent qu’une huile azurée, se repose,
Et le doux ciel, couleur d’abricot et de rose,
Penche sur lui sa calme et pensive langueur.
Les grillons, dans les prés, ont commencé leurs chœurs :
Scintillement sonore, et qui semble un cantique
Vers la première étoile, humble et mélancolique,
Qui fait trembler aux cieux sa liquide lueur…

L’automne épand déjà ses fumeuses odeurs.

Un voilier las, avec ses deux voiles dressées,
Rêve comme un clocher d’église délaissée.
Touffus et frémissants dans le soir spacieux,
Les peupliers ont l’air de hauts cyprès joyeux ;
Au bord des champs où flotte une vapeur d’albâtre
Les cloches des troupeaux semblent fêter le pâtre.
Teinté de sombre argent, un cèdre contourné
A le tumulte obscur d’un nuage enchaîné
Qui roule sur l’éther sa foudre ténébreuse…
Et l’ombre vient, luisante, épandue, onctueuse.
Les montagnes sur l’eau pèsent légèrement ;
Tout semble délicat, plein de détachement,
On ne sait quelle éparse et vague quiétude
Médite. Un clair fanal, douce sollicitude,
Égoutte dans les flots son rubis scintillant.
Ô nuits de Lamartine et de Chateaubriand !
Vent dans les peupliers, sources sur les collines,
Tintement des grelots aux coursiers des berlines,