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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/121

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Une femme, un enfant, des hommes vont sans bruit
Dans la rue amollie où le lourd pavé luit ;
C’est l’heure où les Destins plus aisément s’acceptent :
Tout effort est dans l’ombre oisive relégué.
Les parfums engourdis et compacts interceptent
La circulation des zéphyrs fatigués.

Il semble que mon cœur soit plus soumis, plus sage ;
Je regarde la terre où s’entassent les âges
Et la voûte du ciel pur, métallique et doux.
Se peut-il que le temps ait, malgré mes courroux,
Apaisé mon délire et son brûlant courage,
Et qu’enfin mon espoir se soit guéri de tout ?

La lune éblouissante appuie au fond des nues
Son sublime débris ténébreux et luisant,
Et la nuit gît, distraite, insondable, ingénue ;
Son chaud torrent sur moi abondamment descend
Comme un triste baiser négligent et pesant.

Deux étoiles, ainsi que deux âmes plaintives,
Semblent accélérer leur implorant regard.
L’univers est posé sur mes deux mains chétives ;
Je songe aux morts, pour qui il n’est ni tôt, ni tard,
Qui n’ont plus de souhaits, de départs et de rives.