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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/148

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Et moi qui, d’un amour si grave et si puissant,
Contenais la rive et le fleuve,
Je sens qu’un mal divin veut détourner mon sang
De la tristesse où je m’abreuve ;

Je sens qu’une fureur rôde aux franges des cieux,
Se suspend, pèse et se balance.
Le printemps vient ravir nos rêves anxieux ;
C’est la fougueuse insouciance !

C’est un désordre ardent, téméraire, et si sûr
De sa tâche auguste et joyeuse,
Que, comme une ivre armée en fuite vers l’azur,
Nous courons vers la nue heureuse.

Nous sommes entraînés par toutes les vapeurs
Qui tressaillent et qui consentent,
Par les sonorités, les secrets, les torpeurs,
Par les odeurs réjouissantes !

Mais non, vous n’êtes pas l’universel Printemps,
Ô saison humide et ployée
Que j’aspire ce soir, que je touche et j’entends,
Qui m’avez brisée et noyée !

Vous êtes le parfum que j’ai toujours connu,
Depuis ma stupeur enfantine ;
La présence aux beaux pieds, le regard ingénu
De ma chaude Vénus latine !