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Gisait, transfiguré par le philtre imprécis
D’un arôme, grisant plus encor qu’un breuvage.

Ô Heine ! ce parfum languissant et fatal,
Cette vigne éthérée et qui pourtant accable,
N’est-ce pas le lointain et pressant idéal
Qui vous persécutait, quand de son blanc fanal
La lune illuminait, dans les forêts d’érables,
Vos soupirs envolés vers sa joue de cristal !

Vous me l’avez transmis, ce désir des conquêtes,
Cet enfantin bonheur dans les matins d’été,
Ce besoin de mourir et de ressusciter
Pour le mal que nous fait l’espoir et sa tempête ;
Vous me l’avez transmis, ô mon brûlant prophète,
Ce céleste appétit des nobles voluptés !

Ô mon cher compagnon, dès mes jeunes années
J’ai posé dans vos mains mes doigts puissants et doux ;
Bien des yeux m’ont déçue et m’ont abandonnée,
Mais toujours vos regards s’enroulent à mon cou,
Sur le chemin du rêve où je marche avec vous…

C’était un soir d’automne, encor tiède, encor clair ;