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La foule adolescente rôde
Dans ces nuits de soufre et de feu ;
Les éventails, dans les mains chaudes,
Battent comme un cœur langoureux.

Blanc sommeil que l’été surmonte
Des fleurs, la mer calme, un berger ;
Ô silence de Sélinonte
Dans l’espace immense et léger !

Un soir, lorsque la lune argente
Les temples dans les amandiers,
J’ai ramassé près d’Agrigente
L’amphore noire des potiers ;

Et sur la route pastorale,
Dans la cage où luisait l’air bleu,
Une enfant portait sa cigale,
Arrachée au pin résineux…

J’ai vu les nuits de Syracuse,
Où, dans les rocs roses et secs,
On entend s’irriter la Muse
Qui pleure sur dix mille Grecs ;

J’ai, parmi les gradins bleuâtres,
Vu le soleil et ses lions
Mourir sur l’antique théâtre,
Ainsi qu’un sublime histrion ;