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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/40

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Viennent extraire en nous de secrètes lueurs,
Et guident vers les cieux notre pensive emphase ;

Dans ces languides soirs qui font monter du sol
Des soupirs de parfums, j’étais seule, en Sicile ;
Une cloche au son grave, ébranlant l’air docile,
Sonnait dans un couvent de moines espagnols.

Je songeais à la paix rigide de ces moines
Pour qui les nuits n’ont plus de déchirants appels.
Sur le seuil échaudé du misérable hôtel
Où l’air piquant cuisait des touffes de pivoines,
Deux chevaux dételés, mystiques, solennels,
Rêvaient l’un contre l’autre, auprès d’un sac d’avoine.

La mer, à l’infini, balançait mollement
L’impondérable excès de la clarté lunaire.
Les chèvres au pas fin, comme un peuple d’amants
Se cherchaient à travers le sec et blanc froment :
L’impérieux besoin de dompter et de plaire
Rencontrait un secret et long assentiment…

La nuit, la calme nuit, déesse agitatrice,
Regardait s’amasser l’amour sur les chemins
Une palme éployait son pompeux artifice
Près des maigres chevaux qui, songeant à demain,