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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/89

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Dans ce dormant Dimanche amolli et tenace,
Mêlée à l’étendue, éparse dans l’espace.
Étrangère à mon cœur, à mes pesants tourments,
Je n’étais plus qu’un vaste et pur pressentiment
De tous les avenirs, dont les heures fécondes
S’accompliront sans nous jusqu’à la fin des mondes…
Chaud silence ; et l’élan que donne la torpeur !
L’air luit : le sifflement d’un bateau à vapeur
Jette son rauque appel à la rive marchande.
Une glu argentée entr’ouvre les amandes ;
De lourds pigeons, heurtés aux arceaux d’un couvent,
Font un bruit éclatant de satin et de vent,
Comme un large éventail dans les nuits sévillanes…
Sur l’aride sentier, un pâtre sur un âne
Chantonne, avec l’habile et perfide langueur
D’une main qui se glisse et qui cherche le cœur…

Par ce cristal des jours, par ces splendeurs païennes,
Seigneur, préservez-nous de la paix quotidienne
Qui stagne sans désir, comme de glauques eaux !
Nous avons faim d’un chant et d’un bonheur nouveau !
Je sais que l’âpre joie en blessures abonde,
Je ne demande pas le repos en ce monde ;
Vous m’appelez, je vais ; votre but est secret ;
Vous m’égarez toujours dans la sombre forêt ;
Mais quand vous m’assignez quelque nouvel orage,
Merci pour le danger, merci pour le courage !
À travers les rameaux serrés, je vois soudain