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La mer, comme un voyage exaltant et serein !
Je sais ce que l’on souffre, et si je suis vivante,
C’est qu’au fond de la morne ou poignante épouvante,
Lorsque parfois ma force extrême se lassait,
Un ange, au cœur cerclé de fer, me remplaçait…
Et pourtant, je ne veux pas amoindrir ma chance
D’être le lingot d’or qui brise la balance ;
D’être, parmi les cœurs défaillants, incertains,
L’esprit multiplié qui répond au Destin !
Je n’ai pas peur des jours, du feu, du soir qui tombe ;
Dans le désert, je suis nourrie par les colombes.
Je sais bien qu’il faudra connaître en vous un jour
La fin de tout effort, l’oubli de tout amour,
Nature ! dont la paix guette notre agonie.

Mais avant cet instant de faiblesse infinie,
Traversant les plateaux, les torrents hauts ou secs,
Chantant comme faisaient les marins d’Ionie
Dans l’odeur du corail, du sel et du varech,
J’irai jusqu’aux confins de ces rochers des Grecs,
Où les flots démontés des colonnes d’Hercule
Engloutissaient les nefs, au vent du crépuscule !…