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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/94

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Dans un sursaut d’azur, d’écume et de sanglot !
Loin des trop mols climats où les étés s’enlisent,
C’est vous mon seul destin, vous, ma nécessité,
Rivage de la Seine, âpre et sombre cité,
Paris, ville de pierre et d’ombre, aride et grise,
Où toujours le nuage est poussé par la brise,
Où les feuillages sont tourmentés par le vent,
Mais où, parfois, l’été, du côté du levant,
On voit poindre un azur si délicat, si tendre,
Que, par la nostalgie, il nous aide à comprendre
La clarté des jardins où Platon devisait,
La cour blanche où Roxane attendait Bajazet,
La gravité brûlante et roide des Vestales
Qu’écrasait le fardeau des nuits monumentales ;
La mer syracusaine où soudain se répand
Soupir lugubre et vain que la nature exhale, —
Le cri du batelier qui vit expirer Pan…
Oui, c’est vous mon destin, Paris, cité des âmes,
Forge mystérieuse où les yeux sont la flamme,
Où les cœurs font un sombre et vaste rougeoiement,
Où l’esprit, le labeur, l’amour, l’emportement
Élèvent vers les cieux, qu’ils ont choisis pour cible,
Une Babel immense, éparse, intelligible,
Cependant que le sol, où tout entre à son tour,
En mêlant tous ses morts fait un immense amour !