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Page:Noailles - Les climats, 1924.djvu/96

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Les délices, la paix ne sont pas suffisantes,
Un courageux élan veut aller jusqu’aux pleurs.
La passion convie à des fêtes sanglantes :
Tout est déception qui n’est pas la douleur !

Souffrir, c’est tout l’espoir, toute la diligence
Que nous mettons à fuir le paisible présent,
Lorsque ignorants du but et tentés par la chance
Nous rêvons au départ, brutal et complaisant.

Je le sais et je songe à mes brûlants voyages,
Au sol oriental, crayeux, sombre et vermeil,
Au campanile aigu, brillant sur le rivage
Comme un blanc diamant lancé vers le soleil !

Je songe au frais palais de Naples, à ses musées
Où règne un blanc climat, nonchalant, engourdi,
Où, dans l’albâtre grec, amplement s’arrondit
La face de Junon, éclatante et rusée !

Je songe à cette salle illustre, où je voyais
Des danseuses d’argent, dans leurs gaines de lave,
Fixer sur mon destin, — fortes, riantes, braves, —
Leurs yeux d’émail, pareils à de sombres œillets.

Je voix le vieil Homère et ses yeux sans prunelle
Où mon triste regard s’enfonçait pas à pas,