Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/11

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gestes et les mots, où scintillent l’œil, la voix, l’interrogation haletante, l’assentiment sourd et sans restriction.

Pauvres abeilles des jardins, agitées, cahotantes, ivres de passer votre anneau d’ambre à tout l’azur, qui portez un miel qui n’est point pour moi, qui n’est pas celui dont je puisse être enivrée, se peut-il que je vous aie autrefois tant aimées ? Je considère avec indifférence votre vol désordonné. Mon regard jadis bondissait avec vous et pénétrait les calices et le ductile éther : ruche d’azur aux alvéoles bienveillantes ; comme vous, je faisais alliance avec l’univers, qui est sans âme et sans dessein.

— Qu’attendais-je donc de vous, beaux jours de juillet et d’août, exaltés et rapides comme la danse ? de vous, routes blanches embuées de votre respiration diamantée ? de vous, maisons rustiques entrevues dans le lointain des gais feuillages et qui dispensiez la certitude du bonheur ? de vous, auberges joviales et courtoises, qui paraissiez déverser jusque sur les chemins l’heureuse provision des bahuts et du cellier ? Vous ne me troublez plus, cris des trains qui indiquiez toutes les routes, tous les désirs ! Que m’importent à présent l’espace et un surcroît de beauté, à moi qui possède par toi la surabondance ?