Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/12

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Et pourtant, tout mon être acquiesce-t-il à ce luxueux renoncement ? Je ne sais ! Si tu m’accordes de t’avouer ma rêveuse faiblesse, j’eusse souhaité te mêler à mon romanesque turbulent. Sans doute mon désir eût été de poser tes pas et ton sceau en tous les lieux de la terre, comme pour m’emparer de ce sol éphémère pour l’homme, et me venger avec toi de ne pouvoir atteindre le secret des espaces altiers, devant qui veillent la nuit des milliers d’étoiles jalouses !

Si peu libre que tu sois, ne viendras-tu jamais ressentir ta solitude et la mienne en ces villes étrangères où, le matin, les vents légers, couleur de l’azur et pénétrés de soleil, ont un goût de pain blond qui réjouit le cœur ? Ne connaîtrai-je point avec toi ces midis de Rome, quand toute la ville, ébranlée de lumière, avec ses obélisques dressés dans les agrès du soleil d’or, semble le navire de l’amoureux Antoine s’en allant vers l’Égypte ? ni le dédale brasillant des rues de Naples, où, sur des fils électriques mollement jetés d’une maison à l’autre, on s’attend à voir glisser l’effréné Satyre, danseur de corde, d’une fresque de Pompéï ? N’écouterai-je pas avec toi cet accent fat et tendre des chanteurs du Pausilippe : voix caressante qui cherche le cœur, l’amollit, et le fait pencher de délices ? Que j’eusse aimé bondir, en te pressant à mon