Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/180

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Je n’essayais pas de pénétrer ses résolutions, je ne devançais pas les desseins de son cœur, je pensais à tout le reste des choses du monde, — en attendant.

La circonstance vint, non recherchée, non prévue, subite et lente à la fois, contenant la nécessité dans sa calme préparation. Quand nous sûmes silencieusement lui et moi que, nous aimant, nous devions ne pas nous aimer, nous nous aimions déjà d’un amour qui peut tout, sauf de renoncer à soi. Que d’autres parlent des combats de la conscience, des hésitations en commun, de mutuelles et héroïques résolutions. Nous ne fûmes pas de ces cœurs-là. Pas une seconde nous n’hésitâmes. Nous n’eûmes pas à nous le dire, nous le savions ; notre devoir désormais n’était pas de nous fuir l’un l’autre, mais de nous réunir pour la tâche auguste, d’un grand secours, d’une grande ferveur réciproque, et de nous armer avec diligence et minutie pour que vous ne souffriez pas.

— Nul être n’a jamais pensé à un autre être avec plus d’assiduité déférente et tendre que lui et moi nous n’avons, sans relâche, pensé à vous. Je puis vous dire ces mots à présent que cet unique ami a délaissé votre amour et le mien pour un attachement nouveau, fantasque, déraisonnable, incompréhensible à votre esprit comme