Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/181

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au mien, dont nous souffrons toutes deux différemment, mais de manière que, dans tout l’univers, vous seule et moi soyons pareilles.

Jamais une femme n’a pu comprendre l’homme qu’elle aime comme peuvent se comprendre les deux femmes attachées à un même homme ; que savions-nous de lui, vous et moi, sinon chacune l’amour dont nous l’aimions ? Par ce que je lui donnais d’excessif il m’était étranger, comme il était étranger à votre plus austère tendresse. Mais vous et moi nous avions pour lui le même attrait, contre lui les mêmes griefs, et si nous nous étions liguées pour flatter tous ses goûts, ou liguées pour lui nuire, nous aurions, sans nous concerter, accompli les mêmes actes. Ainsi, lorsque chacune de nous, était séparée de lui par son amour pour lui, il établissait en l’une et l’autre une image de lui également exacte et tyrannique, qui nous rendait semblables.

Les lettres de moi que vous avez arrachées, dans votre surprise et votre détresse, aux ténèbres d’un tiroir secret, vous ont révélé la tendresse qui me liait à votre époux, et que j’avais espéré vous laisser ignorer toujours. Je ne puis pas vous consoler, Madame, il y faudrait aujourd’hui trop d’efforts et trop d’hypocrisie, mais je puis vous dire enfin combien vous me fûtes chère.