Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/187

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de celui dont nous ne connaissons que brièvement le contact tumultueux et la calme forme allongée ; nous lui envions ces heures de facilité, d’indifférence, de sommeil, qui lui permettent de s’abreuver et de se baigner constamment aux saveurs, aux senteurs, aux moiteurs qui nous enivrent. Nous l’envions de pouvoir adhérer sans cesse à cette émanation de molécules tièdes et dorées qui tourbillonnent autour d’un être, animent et étendent son contour, et constituent le charme inévitable et le divin maléfice.

Mais de quelle force aussi, compensant le temps trop bref accordé à l’expansion délirante, nous exerçons la turbulence et la voracité, nous implantons dans notre cœur l’éphémère, nous prenons possession du palpable, du délectable, du visible et de l’invisible, comme un mouleur rapide et passionné qui voudrait garder toute l’empreinte d’un cadavre ! La passion des amantes a quelque chose de sacré par sa communication immédiate avec les périls et la mort. Pourquoi est-ce vous que j’eusse crainte, moi qui aimais dans un affamement continuel et sans mesure ? Le triomphe véritable c’est d’aimer plus que ne le fait la rivale, non d’être aimée davantage.

Pourtant, l’habitude qui lie les époux est un trésor dont parfois la masse nous fascine, nous hante, nous affole, quand nous concevons qu’elle