livre tout l’être que nous aimons, en sa quotidienne et constante vie animale, et par là peut conduire l’amour à la satiété : but inconscient de notre excessif désir ; vindicative, poignante et inconcevable espérance !
Mais nous savons bien aussi que jamais plus la femme perpétuellement promise et accordée ne provoquera la stupeur et l’enchantement ; jamais plus elle ne peut obliger, même par l’absence et les intervalles, la mémoire haletante, terrassée par le souvenir, à refaire ce continuel trajet vers l’ébahissement du désir anxieux, assouvi, — vers la divine incrédibilité du bonheur !
C’est l’apanage oppressant du bonheur de ne pouvoir pas être cru, de se maintenir dans une atmosphère d’annonciation. La satisfaction habituelle et facile jamais plus n’amène ce recul déraisonnable de l’intelligence qui fait douter du passé et de l’absolu. Cette suppression du temps et de la précision n’est naturelle qu’à la passion seule, qui, mécanisme impérieux et décevant de l’appétit le plus exigeant, constate que jamais n’est suffisamment ingéré et absorbé l’être convoité, — de sorte que l’amour est un insatiable besoin, qui s’accroît par le goût que nous recevons de ce repas de l’âme et de l’être, et qui crée un vertige de désir ascendant, de connaissance rapide et de privation immédiate, par quoi l’at-