Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/215

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Les soirs de Sorrente, — quand, à perte de vue, sur les jardins des collines, l’oranger succombant sur l’oranger étale un pathétique aveu de faiblesse et semble exhaler, comme un suprême accablement, son excessif parfum, m’emplissaient d’une mélancolie songeuse et taciturne.

La beauté des paysages, la chaleureuse abondance des fleurs et des arômes, le rond roucoulement d’un peuple de colombes abattu et comprimé par l’atmosphère aux compactes parois, l’heure gonflée d’or du crépuscule, captive dans les lacets du soleil, tant de séductions enfin reportaient l’esprit à cet Eden perdu où l’amour et son ivresse amère furent révélés aux premiers humains.

Le désert du bonheur, éclairé par le jubilant azur, m’oppressait mortellement.

Chaque jour, à ces moments du couchant, mes hôtes et moi nous quittions la fraîche demeure de granit cramoisi, aux dallages de porcelaine, où nous avions somnolé, un livre à la main, une partie de l’après-midi, et nous allions contempler l’embrasement de la mer, en nous appuyant aux balustres d’une pergola, dont les glycines allongées et entassées faisaient une toiture plus pesante encore par les senteurs épaisses que par les ombres violettes.

Nous parlions peu devant cette illumination