Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/218

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semble que le monde végétai s’abandonne dès qu’il plonge plus avant dans les sécurités de la nuit, et qu’il élague la présence des hommes. Ainsi l’oiseau-lyre, sur les rivages de la Nouvelle-Guinée, ne consent-il à jeter vers sa compagne son cri d’amoureux appel qu’aux approches des froides heures qui précèdent l’aube.

Je percevais bien tous ces tendres mystères, qui attachaient à mon cœur un fardeau de poésie.

L’esprit troublé, je regagnais ma chambre dans la villa fantasque, d’allure sarrasine. Le parfum des œillets, des citronniers, des roses d’Idumée, montait avec moi l’escalier, rampait, s’insinuait, se suspendait le long des antiques faïences de ma chambre arabe, établissait autour de moi une présence tenace, gluante, - bizarre composé de miel et de benzine. J’avais hâte de refermer mes croisées sur le suave et dangereux laboratoire des nuits ; alors, souvent, je voyais le prêtre s’accouder au balcon de la pièce voisine qu’il occupait, et, paisible sous cet assaut des forces invisibles, insidieuses, il adressait aux cieux un large et reconnaissant regard.

On n’attend pas qu’une figure si secrète livre souvent le fruit de sa consciencieuse expérience. Pourtant, un jour que je m’entretenais avec l’abbé de T*** de la puissance du cœur féminin, de son intrépidité, de sa bravoure, de ce goût naturel de