Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est le souvenir le plus précis que m’ait laissé en ce temps-là cette personne rêveuse. Quelques années se passèrent sans que j’eusse l’occasion de m’entretenir avec elle. Mes déplacements étaient fréquents, parfois lointains. De retour à Rome, où je comptais achever dans la retraite un travail absorbant, j’entendis un jour annoncer qu’elle était fort malade, et qu’elle vivait, depuis plusieurs semaines, retirée dans sa maison de campagne, bien qu’en cette saison, qui était voisine de l’été mais adoucie par des pluies, Rome gardât encore tous ses hôtes. Un matin, je trouvai dans mon courrier une lettre signée de son nom : elle m’écrivait pour la première fois ; ce billet était du ton le plus noble, en même temps que le plus pressant ; elle me demandait, avec une force si appuyée, si suppliante, - je devrais dire plutôt si formelle et pleine de commandement, - de l’aller voir, que je décidai de faire ce long trajet, malgré mes occupations, et de tenter une visite profitable peut-être à cette infortunée, que la maladie ou quelque pire malheur semblait écraser.

Après un voyage accablant de chaleur, j’arrivai à la villa de Torre-Annunziata. C'était une de ces maisons anciennes de l’Italie, vaste, fraîche et sonore comme un vase immense en terre cuite. L’antique pièce presque vide, aux volets fermés,