Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/225

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où j’attendis d’abord, semblait aussi comblée du murmure des âges qu’un livre l’est d’aventureux récits.

Bientôt je fus introduit dans la chambre où la malade m’attendait. Je fus immédiatement frappé de l’apparence de cette femmo, que j’avais rencontrée si vivace quelques mois auparavant : elle était amaigrie et dévastée, et pourtant si vaillante, si pleine de feu, de dignité et de douleur que je ne puis me représenter autrement la reine Andromaque. Dès le premier abord, je ne doutai point qu’elle fût victime de l’homme frivole, sans délicatesse comme sans perspicacité, qu’elle avait épousé, et qui probablement la délaissait tout en lui imposant cette opprimante séquestration.

Après une pause qui entraînait au loin le regard de mon interlocuteur : - Les prêtres, continua-t-il, se doivent de n’avoir pitié que des âmes et de ne point se laisser amollir par le spectacle de la détresse et de l’indigence physiques ; aussi bien, la fermeté ou le désarroi de l’esprit sont-ils le soutien ou la perte de la créature humaine, née pour combattre. Il m’est arrivé, Madame, - poursuivit-il, avec un lointain et plaintif sourire qui révélait l’immensité de sa pitié contenue, - il m’est arrivé plus d’une fois de me détourner du visage d’une femme qui pleurait, afin que la vue de cette âme