Page:Noailles - Les innocentes, ou La sagesse des femmes, 1923.djvu/7

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qui est possible, de tous les moyens de se rejoindre ; et cette simplicité parfaite qui était que tu arrivasses près de moi, je ne me la représentais plus. J’étais dans cette chambre avec le sentiment du désert et du délaissement infini. Tout m’était devenu hostile, inaccoutumé : les sièges, le sofa, et moi-même, et mon vêtement grave et modeste. Je ne savais si je devais m’allonger pour un moment de repos ou bien inspecter cette pièce mi-obscure, où les meubles et la tapisserie, contemplés distraitement, devaient m’être pourtant plus sacrés soudain qu’un port d’Orient pour le voyageur d’Europe qui, établissant sa carrière, aperçoit pour la première fois l’horizon dévolu désormais à sa destinée nouvelle.

Je pressais sur moi mon manteau, sachant instinctivement que ces tissus accumulés sur le cœur représentaient ma défense, ma négation, ma force contre toi, et ma solitude aussi, l’obstacle à notre unité.

L’esprit comme essoufflé de minute en minute, je m’étendis enfin sur un canapé, et là, immobile, glacée, l’âme comme frappée d’un poignard, j’expirai dans l’accélération d’une mort rapide, je t’oubliais, je ne te souhaitais plus, je renonçais à toi… Et la porte s’ouvrit, et tu vins, et tu fus là. Dans l’ombre tu me tendis ta main timidement, et moi aussi je t’offris la mienne avec