Page:Noailles - Passions et vanités, 1926.djvu/34

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que sa présence nous était chère, et c’est alors tout un art compliqué de savoir le regarder sans complicité ou sans apparente ignorance, de ne pas se taire constamment à ses côtés, de ne pas le traiter avec une cérémonieuse hostilité, et surtout, — c’est là qu’il faut contrôler les mystérieux réflexes de l’âme, — de ne pas le fuir par convenance.

Donc, sans prédilection ni animosité pour les convives mâles, ce sont les femmes que la femme aux yeux agiles va inspecter. Avec quelle vitesse des prunelles elle les enveloppe, les voit, les devine, les juge ! Voici l’insignifiante, jeune et jolie fille, contente en tous lieux, en tous jeux. Que ce soit la danse, la promenade ou le repas, elle s’épanouit, se réjouit, se dispose au mariage comme aux matches. Elle est loyale et cherche un compagnon honnête. Elle n’est pas à craindre dans le perfide amour. Pendant que s’exerce ainsi la muette critique, les plats abordent au blanc rivage de la table. On voit arriver le turbot. Coiffé d’une gerbe de persil, ceinturé, dans un im-