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LE LIVRE DE MA VIE

présent ce nom enivrant demeurerait en exil, je ne fondai aucun espoir sur lui, j’abandonnai sa dynastie, je fus gagnée entièrement à la République.

Étrange passion d’une enfant pour le régime qu’elle associe définitivement à ce qu’elle aime avec réflexion et poésie : la terre natale. Qui aime son pays et n’éprouve pas de préférence pour les lois qui le gouvernent, de combatif instinct pour l’idée et l’aspiration qui le modèlent, le transforment et l’amplifient, ne connaît pas cette ferveur raisonnante que ressent l’esprit consciencieux et informé. Celui-là est reconnaissant à l’univers que sa patrie ait mérité cette phrase somptueuse : « Sans la France, le monde serait seul. » Cri filial à quoi répond cette affirmation venue de loin. « La France est le flambeau du monde, sa disparition laisserait les nations dans les ténèbres… » et encore cet éloquent témoignage de Gœthe : « Lorsque les Romains avaient quelque chose d’important à formuler, ils le faisaient en grec, pourquoi ne le ferions-nous pas en français ? »

Heureux qui, pieux envers la grandeur et la grâce du passé, se place dans le présent, y travaille pour l’avenir, s’attache laborieusement à bouturer ce qui doit être à ce qui est !

Un jour de mon adolescence, étant plus attentive que de coutume à la cérémonie de la messe, et non pas comme cette compagne ingénue qui me confia avec sincérité : « Je prie pour que la messe finisse »,