Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/145

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nourriture que les fruits sauvages des forêts ; ils me manquoient déjà depuis le matin, et la faim me pressoit d’une manière cruelle, quand, au détour d’un ravin profond, je tombai au milieu d’une caravane de marchands ou d’une embuscade de voleurs nomades, et je n’ai jamais su lequel. J’allai cependant m’asseoir avec sécurité dans le rang le plus épais de la bande, parce que mon amulette venoit de me découvrir un mystère dont j’espérois tirer parti avec elle : « Mes amis, leur dis-je d’un ton résolu, vous voyez parmi vous un pauvre jeune homme qui ne possède au monde que ces simples vêtements, mais qui peut vous rendre tous les plus heureux et les plus opulents des mortels. Comme je suppose que vous n’avez pour but, dans vos périlleux voyages, que de vous enrichir par des gains licites, je viens vous offrir une fortune immense et facile, sans autre condition que de la partager avec vous. Voyez s’il vous convient de m’accorder la moitié d’un trésor que mes glorieux ancêtres ont caché dans ces solitudes, et ce qu’il me faut de chameaux pour la transporter dans la ville la plus voisine. Je prends le divin prophète à témoin que je vous cède l’autre part, et qu’elle est assez considérable pour combler l’ambition de vingt rois. »

Sur l’assentiment empressé de toute la troupe : « Fouillez le sol de ce camp, repris-je aussitôt, et divisez les charges en égales portions entre vos chameaux et les miens. Je vous répète que la moitié est ma part, et que je ne veux rien de plus, car Mahomet m’a inspiré d’enrichir les premiers croyants que je trouverois dans le désert. »

L’événement répondit à ma promesse. L’or étoit presque à fleur de terre, et tous les chameaux furent chargés avant la nuit. Quoique le pays parût tout à fait inhabité, nous préposâmes les plus vigilants à la garde de la caravane, et, comme il n’y avoit pas un de nous qui crût pouvoir compter aveuglément sur les autres, je suis assez